Nous sommes le 22 février, il est 6h53. Je me réveille spontanément. Putain j’ai pas du tout envie de me lever. Je donne un coup dans le tabouret qui me sert de table de nuit pour activer l’affichage de l’heure de ma montre. Maintenant si je m’éveille avant que la sonnerie ne retentisse ça va pas aller. Mais bon j’ai pas le choix, j’ai envie de pisser. Je me traîne donc jusqu’à la salle de bain. Je vide ma vessie. Et pendant que je me lave les mains, je jette un coup d’œil dans le miroir. Oh la vache la gueule de merde. Après cet état des lieux au résultat si positif, je retourne dans mon salon-bureau-salle à manger-chambre. Il faut que je remette mon poste de travail en place. Mais j’ai envie de changements, je décide donc de laisser la table en place et de mettre les ordis sur le plateau avec les tréteaux. Sauf qu’à 7h20 tout est prêt, mais je suis une bonne poire j’ai donc commencé à bosser dix minutes avant l’horaire. Et tout ça lors que j’ai absolument pas envie de bosser. Et tout ça alors que j’ai terminé ma liste de la semaine dernière et qu’il faut que j’aille quémander un dossier à une collègue. Je balance un « bjr » dans la conversation commune. On pourra pas dire que je suis un asocial avec mes collègues. De toute façon aujourd’hui je pourrais guère faire mieux, je sens que je suis d’extrême mauvaise humeur. Je fais mon dossier. Puis la nouvelle liste arrive. J’attaque mes dossiers. J’essaye de me détendre avec de la musique ou un podcast sans y parvenir.
À 10h30 nous avons notre réunion quotidienne. Présentation des chiffres de la prod. Ergotage autour du nombre de dossiers réalisés car y a une différence de quatre dossiers. Quatre dossiers sur 18 collaborateurs. Déjà ça ça me gonfle. Puis on enchaîne sur un reproche parce qu’on passe trop de temps en mode appel sur notre appli d’échange. Là je puise au plus profond de moi même pour pas gueuler. À mon niveau si j’appelle mes collègues c’est pas pour qu’on s’entraîne à chanter les sardines de Patrick. Et pour couronner on termine sur le fait qu’on plaisante trop sur la conversation commune. Oula. J’étais envahi de colère. Mais vraiment beaucoup. Ça me casse les couilles à un point inimaginable qu’on pinaille comme ça sur des détails. Tout ça parce que les débiles qui nous servent de chefs ont négocié un contrat comme des teubs et que c’est désormais aux petits soldats de rattraper le coup.
Pour me calmer je suis allé me faire une « petite » assiette. Ce qui n’a pas vraiment fonctionné et qui a ajouté une certaine forme de culpabilité de pas réussir à me contrôler. Après plusieurs personnes m’ont envoyé des messages. Mais j’en voulais à la terre entière donc j’avais pas du tout envie de répondre. J’ai essayé de me faire plaisir le midi avec mon déjeuner mais ça n’a pas fonctionné. J’ai repris encore plus énervé. J’ai terminé à 15h.
J’avais une mission pour la fin d’après-midi : trouver des bocaux pour stocker la confiture que je dois terminer ce soir. Je choisi l’option Action avec tout ce que ça comporte de contrainte. Je pars donc en prenant l’avenue de Dunkerque. Devant moi quatre gamins le plus grand doit avoir 15 ans. Y a une petite de 6 ans et deux « moyens ». La petite se pète la gueule de sa trottinette. L’un des moyens qui la suivait en vélo s’arrête net. Il essaye de poser le pied par terre mais il est au dessus de son trottoir. Il perd l’équilibre et tombe sur une voiture stationnée. Pas de bobos pour personne. Mais c’était sans compter Furoncula. Car oui ce prénom existe et c’est celui de la propriétaire de la voiture. Elle ouvre la portière passager et commence à gueuler. Bon bah là c’est la goutte d’eau qui fait déborder le barrage.
⁃ Hé alors qu’est ce que tu veux qu’il te fasse un chèque ?
« Il pourrait c’est la moindre des choses. »
⁃ On est bien d’accord c’est ce qu’il vient de faire. Il est tombé. Ça arrive à tout le monde. Il s’est excusé son frère aussi.
Je sais même plus ce qu’elle a répondu.
⁃ Mais c’est quoi ce sketch, la poubelle qui te sert de bagnole à rien.
« Vous voulez que j’appelle la police ? Parce que je travaille la bas je les connais bien. »
⁃ Putain je suis terrifié. Je transpire tellement que j’ai des saumons qui remontent le long de ma raie.
J’allais pour me casser la petite ayant réussi à se relever. Et cette conne professionnelle sort de sa caisse. Alerte débile en liberté.
« Vous voulez qu’on appelle les policiers. Qu’on fasse un constat ? C’est ce qu’on fait d’habitude. »
⁃ Ouais effectivement mais pour ça faudrait qu’il y ait eu un accident. Y a pas une trace.
« Eh pis de quoi vous vous mêlez, vous êtes même pas concerné. »
⁃ Je suis concerné quand y a des connards dans votre genre qui dont chier le monde.
Sur ce je me suis cassé.
En allant jusqu’au magasin je n’ai cessé de ressasser ce qui c’était passé. Est ce que j’étais intervenu à tord ou Furoncula était vraiment une connasse ? Juste avant d’arriver j’en ai conclu que j’avais raison et qu’il fallait exterminer un bon nombre de personnes et que je serais ravi de donner un coup de main. C’est dans cet état d’esprit apaisé que je me suis aperçu qu’il y avait une trentaine de personnes qui faisaient la queue pour entrer dans le magasin. J’ai donc opté pour la solution d’aller voir ce qu’il y avait chez Intermarché situé juste en face.
A peine ai-je pénétré dans ce supermarché qu’une forte odeur de poisson m’envahît les narines. Génial ça donne envie de faire ses achats. Je vais au rayon cuisine après avoir finalement réussi à doubler Kevin et Kimberley qui font leurs courses en crabe et en gênant le plus possible la circulation. Joie bonheur. Arrivé devant les pots de confitures je constate que ce n’est pas du tout ce que je recherche. Échec de la mission. Je me dirige vers la sortie sans achats. Huguette à l’accueil qui doit déverrouiller le portique me voit arriver mais préfère choisir ce moment pour discuter avec Ginette sa collègue de la caisse 1. Tchou tchou. Heureusement Moussa l’agent de sécurité est venu palier les manquements de sa collègue.
Il faut donc que je me résigne à faire la queue. 35 personnes sont devant moi. Vite je remets mes écouteurs qui m’isole du monde et je lance la lecture du Te Deum de Lully. Heureusement que ce cher Jean-Ba est là ! Forcément ce que je redoute le plus arrive : deux cancrelats de l’humanité se placent derrière moi sans respecter le marquage au sol. Il s’agit de Bebert 53 ans dont 65 a fumé des gauloises brunes et de Gislhaine. Disons que Gislhaine n’a pas été épargnée par la vie. Elle arbore une polaire aux couleurs intéressantes. Ce genre de motifs étaient utilisés sur les coussins pour chien dans les années 70. Mais ce n’est pas bien de critiquer l’allure des gens, en revanche avoir envie de leur faire cracher leurs dents à coups de poings c’est possible dans la mesure où ils sont pas capables de s’arrêter sur une ligne de peinture. Même les esprits faibles sont capables d’une telle chose. Zemmour je suis sûr qu’il s’arrête aux stops.
J’ai fini par rentrer, trouver des pots qui convenaient et payer pour sortir au plus vite de là. Sur le retour j’ai essayé de déterminer pourquoi j’avais autant de colère en moi. Certes le boulot m’énerve mais est ce vraiment la seule raison ? Et là je me suis rendu compte que j’avais laissé quelque chose en suspens, chargé émotionnellement.
Une fois chez moi je me suis lancé dans la rédaction d’un sms « Bonjour M. … Ta vision du monde me semble pas du tout compatible avec ce que je recherche chez quelqu’un. …. » Sa vision : « ils sont trop nombreux » « ils foutent rien et touchent les aides » etc. J’aurais pu faire un bingo. Et donc voici plusieurs heures de discussion et deux rendez-vous qui n’auront mené à rien. Autant d’heures perdues ça me fait chier.
Pour rassurer tout le monde je vais citer trois choses positives :
Je n’ai pas de vie sexuelle donc je risque pas de choper une IST.
Vu mon gabarit si je me fais renverser en vélo je vais rebondir trois fois et atténuer le choc.
Vu qu’on pas visiter le monde, le risque de me faire enlever par des pirates malais dans le Nord est assez faible.
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