Nous sommes le jeudi 16 novembre, il est 23h32. Je rentre chez moi après une splendide soirée. En effet, menés par l’impératrice du monde à l’envers, nous avons assisté à la représentation du délirium du papillon. Un spectacle fabuleux. En sortant du Prato nous sommes allés boire un verre chez Mandarine qui habite à une centaine de mètres de là.

Comme j’avais école le lendemain, je ne suis pas parti trop tard. J’ai pris le métro pour me rapprocher de chez moi. Et maintenant, il ne me reste plus que quelques minutes de marche pour rejoindre mon domicile. J’ai une habitude quand je marche, je regarde toujours en hauteur. Sûrement un reste de ma carrière en tant que cordiste. Souvent j’admire les bâtiments et des fois j’ai la chance de tomber sur de petits trésors.

Soudain mon regard est attiré par de la lumière. C’est très bref un peu comme un flash. Ca recommence. Mais cette fois çi, étant concentré sur l’endroit j’ai eu le temps de comprendre ce que j’avais vu. C’est le faisceau d’une lampe de poche. Intriguant. Je continue à marcher. Mes pas me rapprochent de la scène. J’ai à peine détassé une caravane de chantier, quand je me fige. De l’autre coté de la rue, appuyé sur l’immeuble haussmannien, il y a une échelle. Une longue échelle qui s’arrête un peu au dessus de la fenêtre où j’ai vu la lumière. 
Je fais un pas en arrière pour me dissimuler derrière le coin de la caravane. 
J’observe la porte fenêtre qui est ouverte. En cette saison et à cette heure, c’est étrange. Sauf si l’on vient de cuire des brocolis, il y a peu de raison d’aérer. Il ne se passe rien pendant quelques minutes. J’ai l’air bête à surveiller dans le froid. Je suis en train de me dire que je ferais bien de m’occuper de mes oignons, quand une silhouette apparait furtivement entre les deux battants vitrés. L’homme qui porte une cagoule surveille la rue. Heureusement, il ne peut pas me voir et surement rassuré, il repart dans l’appartement.
Que faire ? Clairement il se passe quelque chose de louche. Mais est ce un cambriolage ? Des étudiants qui préparent une blague ? Si seulement je pouvais jeter un coup d’œil à l’intérieur. Je scrute la façade de l’immeuble, et d’un coup mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Au coin de la rue il y a un échafaudage. si je grimpe à la hauteur du troisième étage, je pourrais facilement rejoindre l’appartement en passant de balcon en balcon.
C’est une idée complétement délirante, mais j’ai l’impression que c’est ce que je dois faire. Je rebrousse chemin, m’accroupis derrière les voitures. Avant de traverser la rue, je m’assure que personne ne peut me voir. Personne. Je fonce. Arrivé sous l’échafaudage, je me colle à la paroi de l’immeuble. Je reste un instant à écouter. Rien. J’entame donc mon escalade. Putain c’est pas facile. Les montants métalliques sont humides et mes chaussures glissent. J’ai peur de faire du bruit. Et puis faut que je soulève la grosse carcasse. Finalement j’atterri sur le premier pallier. A nouveau je m’immobilise et tends l’oreille. C’est le silence le plus complet. Je reprends mon ascension. Mais c’est nettement plus facile, les ouvriers ont laissé les échelles sorties. Je n’ai plus qu’à ouvrir avec délicatesse la trappe du second pallier. Je me faufile et referme avec précaution. Je renouvelle l’opération deux fois. Je suis en face du troisième étage. Les volets sont tirés sur les ouvertures qui donnent sur les trois balcons qui me séparent de mon objectif. Au moins je n’ai pas à me méfier des habitants. J’enjambe le premier parapet.

Merde j’avais imaginé les balcons plus près les uns des autres. Y a plus d’un mètre, tout de même. Dans quoi je me suis embarqué ? Aller un peu d’audace. Un deux trois. C’est bon j’ai réussi à choper le muret en pierres de taille. Je plonge de l’autre coté. Heureusement il n’y a rien sur le balcon. Je rampe quasiment pour atteindre l’autre bout. Je passe la tête. Toujours aucun signe de vie. Je suis plus rapide à me lancer dans le vide. Et c’est à nouveau un succès. Le volet droit de la fenêtre où est apparu l’individu n’est que partiellement repoussé. Je vais pouvoir me caché derrière en arrivant sur le dernier balcon. Je sens une petite impulsion au niveau de mon poignet. Je regarde ma montre. Une notification m’indique mon rythme cardiaque est anormalement élevé. Bah putain tu m’étonnes. Je tremble d’excitation. Plus qu’un bond dans le vide et je serai arrivé. Je me jette les bras tendus. J’arrive à agripper le parapet, je l’escalade aussitôt, redescends. Je reprends mon souffle planqué derrière le volet. Je reste là quelques instants mais qui me semblent une éternité. Est ce que je vais vraiment rentrer dans cet appartement ?

Le nez collé au panneau de bois, je risque un regard à l’intérieur. Personne. Mais la pièce n’est pas vide. Les murs sont couverts d’étagères où sont entreposés toute sorte de bibelots. Etrange. Je pénètre sans un bruit et me glisse derrière l’étagère de droite. Où est ce que j’ai atterri ? Y a une étiquette sur la tranche de l’étagère au niveau de chaque objet. On dirait une sorte de garde meubles. Soudain j’entends des voix. Elles viennent de la gauche. J’en identifie au moins trois différentes. Le son étant atténué je comprends qu’ils sont dans une autre pièce plus loin dans le bâtiment. Je traverse cette « chambre » et arrive dans un couloir. Il est immense. Ce que je croyais être un immeuble d’habitations et en fait un seul et même bâtiment. J’avance vers la source présumée des voix. Le sol est couvert d’un épais tapis qui couvre le bruit de mes pas. Le couloir est dans le noir. Le peu de lumière provient de la fenêtre que je viens de franchir. Mais dans cette obscurité je distingue une forme au sol. Je m’approche avec prudence. J’ai déjà compris de quoi il s’agit mais je n’ose me l’admettre. Je m’accroupis près du corps. Je glisse ma paume devant sa bouche entrouverte. Je sens distinctement un souffle. L’homme porte un uniforme, c’est sûrement un gardien. Il a dû être assommé par les malfrats. Je suis dans une mauvaise posture. Je suis à découvert, en plein milieu du corridor. Il faut que je trouve un endroit pour me cacher, pour nous cacher. Je chope la victime par le col de son uniforme. Je le tire jusqu’à la chambre que je viens de quitter.

Une fois l’homme installé en position latérale de sécurité, je retourne dans le couloir. Je m’aide de ma main poser sur le mur pour me guider. D’un coup BOUM je prends une porte dans le visage. Je suis arrivé au bout du couloir. La panique m’envahie. Est ce qu’ils sont entendu le bruit ? Je patiente à l’affut d’une moindre bruit. Mais rien. De l’autre coté de la porte, un pallier donne sur un immense espace. L’endroit est recouvert d’une verrière qui laisse passer la lumière de la lune. Partout des éléments de stockage. Je reconnais des fauteuils, des bureaux, des commodes. Il y a aussi de grandes caisses en bois.

Ça paraît irréel. J’ai l’impression d’être dans un film. Brusquement les néons s’allument. Loin sur ma gauche des gens parlent. Je fais quelques pas et m’accroupis derrière une commode aux pieds dorés. J’aperçois un groupe de 4 personnes. Il y a trois mecs tout de noir vêtus le visage recouvert d’une cagoule. Le quatrième homme est plus petit, plus mince. Il est bousculé par le trio. L’un des malfrats tire un large fauteuil directoire et pousse leur victime dedans. Il se retrouve face à moi, les trois autres formant un arc de cercle devant lui. Ils me font dos.

Ils se trouvent à une vingtaine de mètres de moi. Et entre eux et moi il y a une immense table, 6 m de large et 15m de long. Et sur cette table est posée une tapisserie. Mon cœur bondit dans ma poitrine. Je connais cette tapisserie. Elle est nommée les trois soleils et habituellement elle couvre les murs du salon d’apparat de l’aéroport d’Orly. Cette tapisserie est une création de la manufacture d’Aubusson, commandée par le mobilier national. Une seule explication possible, nous sommes dans un entrepôt du mobilier national. Je ne savais pas qu’il existait des locaux en dehors de la région parisienne.

Les trois soleils



La victime est toujours malmené par les bandits. J’entends des éclats de voix mais sans les comprendre. L’un des trois allume sa lampe torche et s’en sert pour éblouir l’homme. Son visage est donc très bien éclairé et je le reconnais. Il s’agit de François Mitterrand. Il a dû être enlevé et conduit ici pour retrouver un objet. Il faut que j’intervienne pour stopper cette session de torture. Mais comment faire ? A ce moment l’ancien président relève la tête et murmure quelque chose. Deux de ses agresseurs partent en direction du fond de l’entrepôt. C’est maintenant ou jamais. Je m’élance en direction du troisième bourreau, je me saisis d’un énorme chandelier doré. Mais quasiment arrivé à portée, François Mitterrand m’aperçois. Son regard se fixe sur moi et son visage se fige de stupeur. Le malfrat se retourne pour voir la cause de son étonnement. Mais son geste n’est pas assez rapide, je lui assène un énorme coup de chandelier sur le crâne. Il s’effondre au sol.

Bonsoir monsieur le président, il n’y a pas un instant à perdre il faut fuir. Il se redresse, en s’appuyant sur mon bras. Son costume est maculé de sang. Il grièvement blessé. Je comprends qu’il ne pourra pas marcher. Sans hésitation je le hisse sur mon épaule, tel un vulgaire sac de ciment. Je tourne les talons et me précipite en direction du couloir par lequel je suis arrivé. Quasiment arrivés à l’extrémité du corridor, j’entends derrière nous des hurlements, puis les coups de feu pleuvent. Encore quelques pas et nous sommes à couvert. Une fois dans la première pièce, je pose le président sur le sol et fais basculer les étagères pour boucher l’entrée.

Il faut prévenir les secours au plus vite. Je me saisis de mon iPhone, mais il n’y a pas du tout de réseau. Heureusement il s’agit du dernier modèle de la firme californienne qui est muni de l’appel par satellite. Je lance la procédure. Rapidement je tombe sur un agent de police. Mais je réalise qu’il ne me croit pas. En même temps j’aurais moi même des difficultés à gober une telle histoire. François Mitterrand, toujours au sol me fait signe. Je m’approche et m’accroupis. Il touche mon flanc et me montre sa main couverte de sang. Mince, moi aussi je suis touché. « Dites à l’agent cette phrase, c’est un code ». Je répète bêtement, ce qu’il me dit. Ce qui pour moi n’a aucun sens, provoque aussitôt un bouleversement à l’autre bout du fil. Une voix différente, très dure, me répond « Equipe 3 en route sur zone dans 5 minutes ».

Et en effet quelques instants plus tard, j’entends le son caractéristique des pales d’hélicoptère. Le bruit s’amplifie, et trois appareils braquent sur le balcon leurs projecteurs. La porte latérale de l’un des Caracals s’ouvre et une échelle de corde tombe. Je passe mon bras autour de la taille du président, de l’autre je me saisis de l’échelle. Instantanément mes pieds quittent le balcon et nous disparaissons. On nous remonte à bord. 4 membres du commandos nous font face. Le président est installé sur l’une des banquettes. L’un des soldat me fait signe, nous amorçons notre descente vers l’héliport installé sur le toit de l’hôpital.

Une équipe médicale se précipite. Le président est installé sur un brancard. J’aide le personnel hospitalier à pousser le brancard à l’intérieur du bâtiment. A priori ils ne sont pas capables de le faire sans moi. Heureusement que j’ai vu tous les épisodes d’Urgence et de Dr House. Avant que l’homme d’état ne soit opéré, il fait un geste de la main. Il interrompt ainsi l’anesthésiste. Il m’agrippe et me dis « Merci, jeune homme ».

On me pousse en dehors du bloc. Putain c’est un peu léger comme fin. Merci jeune homme. Déjà je suis pas tout jeune. Ensuite j’ai pris une bastos en le sauvant. Elle est où la légion d’honneur ?

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6 commentaires

Chirac, J. · novembre 28, 2023 à 22:05

Il tient encore le coup, ce bon vieux François.
Un récit digne du dernier call of duty à la française. Ça manque de méchants arabes, mais merci quand même.

Insee · novembre 29, 2023 à 18:29

Ça manque de commentaires

Paul 1er De Gré · novembre 29, 2023 à 21:52

Mais il est pas mort Mitterand ?

Boubou · novembre 29, 2023 à 22:56

Quel homme courageux et débordant d’imagination ce Michëal 😀

Lib · décembre 5, 2023 à 09:58

Pour Gustav Jung, cela devrait être à analyser d’urgence pour pouvoir définir ton soi!
As-Tu trouvé des réponses ?

    Michaël · décembre 5, 2023 à 10:01

    Très peu. Mais en revanche j’ai d’avantage de questions

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