Séjour adapté – journal de bord
Nous sommes le samedi 14 aout, il est 07h44. Debout depuis 6h30. Je suis déjà dans le métro en route vers le loueur de véhicule. Le programme est simple : une fois le traffic récupéré, je fonce faire les courses, je retourne chez moi récupérer mes affaires et il sera l’heure du départ.
Journal de bord – entrée 1.1. Il est 9h08. Je viens de payer et je m’apprête à ranger les courses dans le coffre. J’ai été d’une efficacité redoutable.
Journal de bord – entrée 1.2. À l’arrivée chez moi je remarque dans ma rué, deux petites vieilles qui sont en train de désherber les fosses crées au printemps. Je ne peux pas m’empêcher d’aller discuter un peu pour voir qui elles sont, pourquoi elles font ça, est ce qu’elles ont demandé l’autorisation, qu’est ce qu’ils font les parents et quelle contraception elles utilisent ? L’une est une habitante de la nouvelle résidence, l’autre est habitante du quartier et élue à la mairie de Lille (déclenchement d’environ 27 mécanismes dans ma tête). Du coup on a papoté. On s’est donné rendez-vous à la rentrée pour jardiner ensemble. #faistontrou
Journal de bord – entrée 1.2. Il est 12h30. Je gare le camion sur le parking à l’emplacement prévu pour le départ. J’ai une heure d’avance par rapport à l’heure de départ indiqué sur les convocations des vacanciers. Mais j’en profite. Je savoure ces derniers moments de calme. Un quart d’heure plus tard une voiture vient de garer non loin de moi. Deux femmes sont à bord. Je ne prête pas trop attention à elles. Je suppose compte tenu de l’horaire qu’il s’agit de L (l’autre encadrante)et de sa maman. Elle aussi à encore quelques minutes de répit. A 13h pile je sors du camion. La plus jeune des deux femmes s’avance vers moi. – L tu as trouvé facilement ? « Ah non je ne suis pas L J’accompagne M qui part en séjour à Douzy. » – Effectivement c’est avec moi, je vous ai prise pour l’autre accompagnatrice. Vous êtes sacrement en avance. Finalement L est arrivée quelques minutes plus tard, et s’est jetée dans l’action sans que nous ayons eu le temps de papoter un peu.
Journal de bord – entrée 1.3. Il est 13h20. Deux vacanciers arrivent accompagnés par une de leur éducatrice. Ils s’agit de R et M. M a la chance de porter le même prénom que moi (vous verrez que pour la suite du séjour c’est rudement plus pratique). Je m’occupe de récupérer l’argent de poche, les cartes vitales, de vérifier les traitements, les certificats de vaccination, et d’échanger quelques informations. Je retarde le plus possible la montée de M dans la camionnette parce que je sais qu’il angoisse beaucoup en voiture. Mais une fois toute la paperasse il est temps de le faire monter. Je lui ai gardé une place sur la banquette du fond (c’est la place qu’il préfère) il monte volontiers à bord. Je suis un peu soulagé. Mais au moment de faire monter R, M s’y oppose il veut être seul à l’arrière. Je lui explique que malheureusement on est 9 à partir et que le véhicule n’a que 9 places. Il commence à s’affoler, je lui prends la main, essaye de lui parler. Mais c’est trop tard, il commence à pleurer, fonce dans mes bras pour me faire un câlin. Ce fut l’accolade la plus soudaine dans l’histoire de mes contacts humains. Il pleurniche dans mon épaule, j’essaye de le réconforter. Mais en vain, il sort du véhicule et fonce voir son éducatrice pour lui dire qu’il ne veut plus partir.
Journal de bord – entrée 1.4 Il est 13h40, le départ été prévu à 13h30. Le dernier vacancier accompagné de son éduc arrive. J est en larmes, il ne veut pas partir. Oula je le sens mal. Je suis censé avoir des gens plutôt autonomes, faciles à gérer. Raison pour laquelle nous ne sommes que 2 pour 7 vacanciers. Mais là c’est déjà beaucoup trop le Bronx pour moi. Heureusement l’éduc (appelons le barbu sexy) de J s’occupe de lui. Il essaye de découvrir la raison de ses pleurs et surtout de faire en sorte que J s’exprime clairement. A priori il s’agit d’une histoire de coeur. B n’est pas avec lui.
De l’autre coté ça n’avance pas beaucoup, M est toujours très stressé, il est au tel avec sa référente mais ne cesse de répéter qu’il ne veut pas partir. Sauf si il part dans le véhicule de son foyer. Je jette un coup oeil, c’est rigoureusement le même que celui qu’on a. La seule différence c’est la peinture : le leur est bleu nuit, le notre gris foncé. Oula.
Je finis de ranger tout dans le coffre. Nous sommes prêts à partir. Il manque juste deux vacanciers. Finalement barbu sexy arrive à convaincre J que monter devant avec nous va être une expérience incroyable. J est même appuyé sur le siège avant.
Mais le couperet tombe pour M, il ne part pas avec nous. Et vas y Bibi, ressors les valises pour choper la sienne, la pharmacie pour redonner son traitement, le sac avec le classeur pour l’argent de poche. Et honnêtement ça me fait trop mal au coeur, je le trouvais attachant.
Journal de bord – entrée 1.5 Il est 14h45, nous partons enfin! J a réussi à se laisser convaincre de monter devant. Maintenant nous sommes en route pour près de 4 heures de route. 4 heures ?!? Oui vous avez bien lu. La présidente de l’association ne veut pas que nous passions par la Belgique. Résultat on va devoir rouler sur des petites départementales de merde. J’ai dû configurer Waze spécialement pour qu’il évite les routes express et autoroutes. Problème : L et moi avons l’impression que plus nous avançons et plus nous nous rapprochons du royaume. Moi je reste plutôt confiant. Cependant au bout d’à peine 10 minutes de trajet nous passons la frontière, nous sommes Outre-Quiévrain. Et là foutu pour foutu je décide de rétablir les réglages par défaut de Waze et de prendre le trajet le plus court.
Pour finir nous sommes arrivés à destination 2 heures et demi après notre départ. Tout le monde ou presque dormait dans le véhicule. Problème J ne voulait pas rentrer dans le gîte. Je l’ai laissé avec la pauvre L pendant que je faisais l’état des lieux avec la propriétaire. Le gîte est un ancien presbytère, c’est moche, y a des pièces dans tous les sens. Je redescend et découvre que J est affalé dans le canapé. Parfait. Je m’occupe de faire visiter le gite et d’attribuer les chambres. Les inventaires sont faits dans la foulée, on ne chôme pas. Il est déjà l’heure de faire à manger.
Au moment de passer à table J ne veut pas diner. Moi je m’en fous, le reste du groupe est plus inquiet. R est en boucle « je suis triste mon copain M n’est pas venu ». Mais je vais vous faire la présentation du groupe, tout d’abord les filles : N 37 ans, qui parle plutôt bien, qui fait un peu des blagues, ça à l’air d’etre une bonne pâte, M 26 ans, sa mère qui nous l’a déposée la décrit comme pas du tout autonome, pourtant elle a l’air plutôt vive, son truc à elle, répéter tout ce qu’elle entend comme un perroquet. Les mecs : E 56 ans, un vieux de la vieille, on lui fait pas à lui, il a un peu une tête d’alcoolique mais je vois pas trop en quoi il est en situation de handicap, il fait des jeux de mots bref au moins quelqu’un avec qui nous allons pouvoir avoir de réels échanges, D 40 ans un petit monsieur avec un peu de bedaine et une voix haut perchée, il cherche surtout à ne pas déranger, R 56 ans un rebeu avec une bonne tête il est adorable mais putain quelle pipelette, son truc à lui, nous faire la liste des séries ou films qu’il a vu et nous demander si on les a vu et pour finir J notre vedette, J 25 ans, tout frêle il parle très peu, il comprend plutôt bien et arrive un peu à se faire comprendre.
Vers 21 h nous nous installons sur la terrasse pour profiter de cette fin de journée, L et moi préparons le programme, le menu. E nous demande si nous avons fait des études. Nous répondons que oui. Et là il nous balance « Une fois que vous avez fini vos études, vous mettez votre cerveau dans un casier ? Parce que moi je comprends pas, vous réfléchissez pas ? Les gens qui sont vaccinés ils mettent encore des masques. Les deux présidents, le président français et le président américain sont tombés malade et ils ont été soignés alors qu’on avait pas le vaccin. Moi en tout cas je vais attendre le vaccin de Pasteur en 2022. Oula on va pouvoir faire un bingo complotiste.
Journal de bord – entrée 1.6 Il est désormais quasiment minuit, nous avons terminé de faire la vaisselle. Il est temps pour nous d’aller nous coucher. Il reste cependant un obstacle de taille, J est toujours endormi sur le canapé. Enfin, c’est ce que nous nous imaginions avant de rentrer dans le salon. Ses chaussures sont au pieds du sofa mais c’est tout ce qu’il reste de notre vacancier récalcitrant. Le truc c’est qu’il existe un deuxième escalier pour rejoindre le premier étage et il est forcement passé par là pour monter. Nous finissons par deviner qu’il se trouve aux toilettes. Nous redescendons pour lui laisser un peu d’intimité, je connais des personnes qui ne peuvent faire caca que dans des conditions très précises. Il redescend quelques minutes plus tard. Je vais le voir pour lui demander si il veut pas monter dans sa chambre. Et contre toute attente il accepte volontiers. Encore mieux il approuve quand je lui dis qu’il serait mieux en pyjama pour dormir. Victoire
6 commentaires
Brian · août 16, 2021 à 08:38
Le suspense me tue
Brian · août 17, 2021 à 22:02
Ouf, la suite est arrivée. On pourrait avoir un trombinoscope avec les lettres? Parce qu’on s’y perd un peu. Et tu peux y mettre le barbu sexy aussi si tu veux.
Merci
Cordialement
L’amicale des gens qui ne connaissent pas l’alphabet.
Georges · août 17, 2021 à 22:09
Savez vous que vous êtes lu à l’international et même en creuse ?
Rodriguez · août 17, 2021 à 22:11
Me encantó este artículo !
Rodriguez · août 17, 2021 à 22:11
Me encantó este artículo !
Maité · août 17, 2021 à 22:18
On peut avoir le menu de la semaine ?