Nous sommes le vendredi 29 avril, il est 16h20. Nous quittons le taf. Nous c’est l’impératrice du monde à l’envers (que nous appellerons Diana dans la suite de cet article) et moi. Ça fait une semaine qu’elle me parle d’un parcours dans Lille organisé par un collectif. Une carte disponible sur internet localise des grafs à découvrir dans et autour de l’agglomération. Donc on se dit on le faire. Ça va nous faire marcher ça c’est bien. Et en plus c’est un peu de la culture donc c’est cool. Activité plus culture, le combo gagnant. C’est donc le programme de la soirée.
Mais bon quand même on a eu une rude semaine. Ma collègue, que j’adore, parce que, comme moi, elle n’aime personne, est en vacances depuis trois semaines. Donc je me tape tous les contrôles des nouveaux, les doublons, le contrôle aléatoire de l’équipe et je réponds à toutes les questions. J’en ai ras le cul. On se dit on va boire une petite bière au Hein. L’équipe habituelle de mes beuveries du vendredi n’est pas dispo, nous avons donc toute latitude pour improviser.
Une fois au Hein, je prends une bière, Diana un café, très rapidement suivi par un grand verre de vin blanc (c’est la fin de bouteille et ils nous aiment bien au Hein). Elle l’a bu aussi vite que le café. Bref, elle appelle sa coloc pour savoir si elle veut venir. La coloc (appelons la Clara) répond : oui j’arrive. En l’attendant Diana prend un deuxième verre de vin. A l’arrivée de Clara, une nouvelle commande est passée. Moi je n’ai rien demandé à personne je me retrouve avec une deuxième bière. On papote c’est sympa. Mais je suis obligé de me dépêcher de finir mon verre (heureusement aidé par Diana). Clara doit repasser à l’appart pour changer de chaussures. Organisation quand tu nous tiens. Mais bon ce n’est pas grave puisque c’était à peu près sur le chemin. On va donc direction l’opéra. Et en passant juste avant d’arriver chez elles, il y a un Carrefour City.
Nous décidons de nous arrêter pour acheter des bricoles pour manger. Comme ça on mange et après on se casse. C’est bien, on est raccord, y a de la motivation. Moi ça va vite je rentre. Bim bim une bouteille de vin, un sachet de pâtes fraiches, un peu de fromage. En deux deux j’ai terminé. Je vais à la caisse, je paye. Et là, j’attends, j’attends, j’attends, j’attends. Qu’est-ce qu’elles foutent ? Je retourne au rayon vin, où je les avais laissés en compagnie de deux vieux en train de choisir une bouteille. Elles sont en train de taper la discute avec Jean-Marc et Rémi. Diana me raconte une anecdote incroyable. Le nom d’un des mecs est Vigneron et ils sont en train de choisir du vin. Bon moi j’ai l’habitude de ce genre de nouvelle époustouflante, je suis cascadeur de la vie, donc j’ai l’habitude, mais ne faites pas ça chez vous.
OK… J’arrive à motiver Clara d’aller payer. En me disant, la rebelle va suivre. Mais peine perdue, on attend, on attend. Soudain des éclats de voix, on jette un coup d’oeil. C’est Diana. Bras dessus, bras dessous avec une nana qu’on ne connait ni d’Ève ni d’Adam. Elles sont en train de se faire des bisous. Tout de même y a le Covid. Mais non. « Oh t’es géniale, je t’adore ma chérie ma chatoune ». Diana finit par payer, elle agresse à moitié le caissier. Un petit pédé, tout mignon, qui ne sait pas trop comment gérer l’engin. Diana lui dit « tu devrais m’offrir les célébrations, vas-y, sinon je dis à ton patron qu’il faut te virer » La grande classe. Elle finit par payer. On sort du magasin. On n’avait pas fait 10 m. TUT TUT Une voiture ralentit et s’arrête à notre niveau. La vitre du conducteur se baisse. Clara se penche c’est Jean-Marc. « Oh mais ça fait longtemps qu’on s’est pas vu. » Super blague. Et là Clara, je ne sais pas ce qu’il lui a pris, dit : « On habite juste à côté, venez boire un verre à la maison. Les deux vieux se regardent et décident d’accepter l’invitation. Elle précise « c’est juste là à gauche on vous attend devant pendant 10 minutes pas plus. On va donc jusqu’au pied de l’immeuble pour les attendre. Diana, elle, bascule dans le monde à l’envers. Du moins c’est ma théorie. Elle n’attend pas avec nous et monte directement. Je me retrouve donc à attendre, mon activité préférée, de parfaits inconnus. En vrai, je ne pensais pas qu’ils allaient venir. Mais c’est là ma plus grande faiblesse, imaginer que les gens agissent de manière rationnelle.
Ils finissent par arriver. On les fait rentrer et ils prennent l’ascenseur avec Clara. Sauf que c’est un petit ascenseur de la taille de mon vestibule. Je décide de monter à pied. En plus je n’avais pas envie de tester la promiscuité de ce lieu clos avec des étrangers. Stéphanie la meuf de Rémi monte avec moi par l’escalier. Au cours de l’ascension elle me dit avec Clara vous formez un beau couple. – On n’est pas ensemble. – Ah bon ?! Ça me semble évident mais bon. Je suis dans l’autre équipe. Elle répond aussitôt, j’ai un super bon pote il est pédé aussi. Je vais te le présenter, je suis sûr il va te plaire. Bah oui parce que vous ne savez peut-être pas mais deux gay on va forcément ensemble. Sourire crispé. On arrive dans l’appartement et on va tous dans la cuisine. Alors pour que vous puissiez imaginer la cuisine, elle fait 3 m par 3 m, et dedans tu cases un frigo et une table. On est 6. Tout le monde commence a fumé, on ouvre les bouteilles. Moi j’avais pris une bouteille de Mouton Cadet. Parce que dans la vie, il ne faut pas se laisser abattre. Un Mouton Cadet que j’ai dû boire dans un pot de miel, parce qu’il n’y avait plus de verre. Donc on est dans cette cuisine de poche. Les fumées de cigarettes cumulées emplissent la pièce. L’épais brouillard m’empêche de tout distinguer mais je souris. On discute avec les vieux. Ou plutôt on écoute parler Jean-Marc. Et très vite on s’aperçoit que c’est un gros lourd, de droite, avec pleins d’aprioris. En revanche, Clara et Stéphanie s’entendent comme larrons en foire. « Mais t’as trop raison, cancer c’est un signe d’eau trop puissant. J’adore ton aura bleu scintillant, ça te correspond trop. »
Mandarine arrive, nous sommes désormais 7 dans la cuisine. Je vois dans son regard un peu de détresse. Elle rapidement pigé que Jean Marc est un relou. Je tente une diversion, je me lève. Et bravant l’interdit j’ouvre la fenêtre en grand pour apporter un peu d’air frais. L’ex de Clara qui vit aussi dans la coloc, part en faisant plein de bruit. Et quelques minutes plus tard il appelle Clara pour expliquer qu’il est parti parce que ça le saoule, qu’on envahisse la coloc, qu’il est fatigué… On fixe donc un départ au plus tard vingt minutes plus tard. Nahamma (la meuf de Mandarine) arrive à son tour. Jean-Marc pose plein de question à Nahamma (je pense qu’il tente de la draguer) faut que comme précisé plus haut, c’est un gros beauf. Et il a des réflexions de merde. Elle répond à ses questions et lui explique qu’elle travaille avec des personnes en situation de handicap. Il nous donne, sans qu’on lui demande, son avis sur le sujet. Ça valait le coup, on a eu le droit à toutes les phrases de merde. On aurait pu faire un bingo.
Finalement on se décide à décoller. Sauf que le plan c’est d’aller chez Jean-Marc, qui n’habite pas loin, pour continuer la soirée. Heureusement Diana et Mandarine partent devant sans attendre Jean Marc et le reste. On explique qu’on doit les rejoindre. De toute façon, Clara et Stéphanie se sont échangées leurs numéros donc on les tient au courant. On prend le métro on se retrouve à Wazemmes. Elles décident d’aller à la réserve, un super bar. On arrive, on n’a pas mangé du coup, on a faim. Mais y’a plus rien à manger de chaud. Je commande une burrata. Une magnifique burrata de chez Carlier. Huile d’olives, tomates séchées, du pain. Cependant on est cinq, ça fait un peu léger. Par contre on continue à picoler. Diana danse avec un sud-américain canon. On a le droit à un show complet. Je l’ai inscrite à danse avec les stars. Moi je me fais chier un peu, en plus y a un vieux pédé collant qui squatte notre table.
Vers 1h15, je vais prendre un peu l’air. Qui je vois allongé de tout son long par terre ? Mandarine. Je m’approche. Elle n’est pas seule. Nahamma est présente ainsi qu’une autre nana. Je m’agenouille et tente d’établir diagnostic. J’ai demandé NFS Chimie Iono et les gaz du sang mais y avait aucune infirmière de dispo. Manque de bol je n’avais pas non plus de stylo sur moi pour lui faire une trachéo. Ce n’est que partie remise. Mandarine arrive à marmonner qu’il lui faut du sucre. (Elle est diabétique). Nahamma chope l’appareil qui mesure la glycémie l’approche de l’emplacement du capteur sur le bras de Mandarine. Sauf que le capteur, il est plus là. Pour dédramatiser, je dis à Mandarine. Le capteur a dit que tu te transformes en homme, t’as de la moustache qui pousse. L’autre nana me dit « Non mais faut surtout pas lui dire ça ». – Hum d’accord.
J’enlève mon sweat pour la couvrir, parce qu’elle est en T-shirt par terre cette andouille. Les autres finissent par sortir. Tous les gens qui passent nous disent quoi faire. « Faut la mettre en PLS » « Faut la laisser respirer » « Faut appeler les pompiers ». Je suis parisien, je suis maitre dans l’art d’ignorer les gens. Néanmoins la diabétique elle entend tout ça, et elle se met à pleurer. « Faut pas appeler les pompiers » Génial. Je me sens obligé de la rassurer, je vais même jusqu’à lui caresser doucement la joue, pour la calmer. Mais dans ma tête je me dis mais comment on va la ramener. Clara pragmatique, tente de commander un Heetch. (Pour les boomers, Heetch, c’est comme Uber mais en moins cher). Sauf que le délai est long. Je décide de commander un Uber. Il met quand même 15 minutes à arriver. Moi je suis en T-shirt. Je me gèle les miches. Durant l’attente Mandarine arrive à articuler qu’elle a plus de capteur à la maison. J’anticipe et regarde où se situe la pharmacie de garde. Finalement mon téléphone sonne, c’est le chauffeur. Il est de l’autre côté du carrefour. On relève la loque. Déjà le conducteur proteste. « Elle peut pas monter, elle va vomir. » – Non elle va pas vomir, elle est pas bourrée, elle fait une crise d’hypo. « Mais elle va vomir. » J’ouvre la portière, pousse Mandarine dedans. Clara et Nahamma montent aussi. Sauf que Mandarine râle, elle ne veut pas me laisser. Je la repousse et referme la porte.
Première étape terminée. Maintenant je suis seul avec Diana, et elle est pas fraiche. On a une mission : récupérer un nouveau capteur. Nous prenons la direction de la pharmacie à l’angle de la rue Solfé et de Massena. Diana zigzague pas mal, mais nous avançons d’un bon pas. On arrive devant l’officine, je sonne. Le pharmacien arrive un rebeu la quarantaine, très sexy. – Bonjour j’aurais besoin d’un capteur pour diabétique. « Pas de problème, modèle un ou deux ? – Il est rond et blanc. « Ils sont tous les deux ronds et blancs. » – Je me renseigne je vous dis ça. Je récupère Diana et je vais juste à l’angle droit de la pharmacie, pour ne pas rester sur le trottoir de la rue Solférino. Y a trop de monde et tout le monde est beaucoup trop bourré. Je cale Diana entre un pilier et la vitrine, elle peut plus bouger. J’essaye d’appeler l’équipe n°1 mais personne ne me répond. Diana vient de se retrouver assise. Gravité : 1 Diana : 0 Je me dis que ce n’est pas bien grave qu’elle soit par terre. Elle a l’air d’une poche, mais y a pire. Je retente d’appeler les filles. J’entends un bruit, je me retourne. Diana a basculé et est tombée la tête la première dans les cailloux. Gravité : 2 Diana : 0 Je fonce la relever, je lui ouvre les yeux. Elle me gueule dessus. « Tu me réveilles, je dormais. – T’es tombée dans les cailloux. « Mais non je dormais. – Hum d’accord, lui dis-je, en enlevant les cailloux de sa joue. Quelques minutes plus tôt il y a dû avoir un lâcher de bons samaritains parce que ça défile. « Faut appeler les pompiers » (leitmotiv de la soirée) « Faut faire attention à elle » « Meuf on a dû droguer ton verre » Mais la plus belle des phrases fut prononcée par un charmant trentenaire « C’est du vernis ? » – Oui. « J’adore ça rend trop bien » – Merci (avec un sourire un peu niais). A ce moment précis j’aurais dû enchaîner avec une proposition indécente visant à purger ses testicules mais je suis un handicapé des interactions sociales.
Je reçois un appel. Ce sont les filles. Le capteur coûte cher elles veulent absolument m’apporter l’ordonnance et la carte vitale. En attendant l’arrivée de Clara, j’appuie mon genou contre l’épaule de Diana pour la caler et l’empêcher de « s’endormir » de nouveau. Clara arrive 20 minutes plus tard. Je récupère le capteur. En fait j’en récupère même deux. Il est vraiment parfait ce pharmacien. Clara repart avec le paquet sur son vélo. Maintenant c’est à notre tour de rentrer.
Je relève le mouton du désert. Protestations vives de l’individu. « Je suis pas bourrée, moi. » J’ai l’impression que c’est plutôt une phrase type pour annoncer son état d’ébriété, mais j’acquiesce. Nous tournons rue Jean Sans Peur. Elle tangue vachement plus que tout à l’heure. Elle ne veut pas prendre mon bras. J’opte donc pour agripper son manteau. Ainsi je peux réduire le tangage sans qu’elle s’en aperçoive. Au croisement de rue du Maire André, elle me dit qu’elle ne se sait pas où nous sommes. Mais quasiment aussitôt elle décrète que nous sommes perdus. Stoïque je continue à la guider. Nous passons devant la préfecture sans qu’elle capte vraiment. C’est donc pour elle une véritable surprise quand nous arrivons à Rihour. Elle me fait marrer parce qu’elle donne l’impression dans ce qu’elle dit que nous sommes arrivés là par erreur ou par hasard. On finit par arriver à la coloc. On rentre dans l’immeuble, Diana appelle l’ascenseur. Et heureusement pour elle et son équilibre précaire, juste devant l’élévateur y a un pti coin formé par le mur et un pilier. Quand les portes s’ouvrent, elle s’engouffre avec la grâce d’un hippopotame. Et quand le commun des mortels patiente debout, Diana elle fait la chaise. Avec une alcoolémie à zéro ça muscle les fesses. Là, elle reste 8 secondes avant de s’effondrer. Gravité : 3 Diana : 0 Nous arrivons à l’étage. Elle ne veut pas se relever. C’est donc à quatre pattes qu’elle sort de l’ascenseur. Je lui avais piqué ses clefs dans l’hypothèse hautement probable qu’elle les perd en chemin. J’ouvre la porte. Elle s’avance avec une vélocité étonnante, peut-être une envie de vomir ? Elle prend le virage du couloir trop vite à mon goût. Elle frôle l’immense étagère où sont entreposés les réserves des colocs. Elle allume toutes les lumières sur son passage. Fonce vers sa chambre, l’ouvre avec fracas et s’écroule sur son lit. Mission accomplie.
La porte de la chambre de Mandarine est ouverte et la lumière est allumée. Je vais aux nouvelles. Clara et Nahamma sont avec elle. « J’te vois double » Sourire poli.- Elle est à combien ? « Elle est ultra basse même après les sucres qu’on lui a filés. » – Et pourquoi elle est toute rouge ? « M**** vient dormir avec moi » – Euh non.
« Je te vois en double. T’es sûr t’as pas payé. ». – Bon sachant qu’il est trois heures du mat je vais vous laisser et rentrer chez moi. « Tu vas rester dormir ici ? » – Euh non en plus faut que je fasse pipi. « Tu peux faire pipi ici tu sais. » – Non ma mère elle veut pas. « Je suis désolé d’avoir gâcher la soirée. » – Ah non pas du tout, c’était une excellente soirée, qui fera l’objet, je pense, d’un article.
Je sors de l’immeuble et je me dirige vers la station VLille la plus proche. Y en a une juste avant l’Apple Store. Une fois sur place je m’aperçois qu’il n’y aucun vélo de disponible. Qu’à cela ne tienne, je poursuis vers Rihour. Mais là pareil je fais chou blanc. J’en ai finalement trouvé un vélo devant la statue du petit Quiquin. Je suis arrivé chez moi à 3h30 du mat.
7 commentaires
Criquette · mai 11, 2022 à 21:29
C’est mieux que game of thrones ton histoire !! Il nous faudrait un format roman photo pour comprendre qui est qui !
Que de rebondissements ! Bravo !
Le chef des nains · mai 11, 2022 à 22:24
Tu mérites au moins une légion d’honneur.
Au fait, j’ai un copain pédé je vais te le présenter tu vas bien t’entendre avec.
Brigitte · mai 13, 2022 à 10:01
Moi non plus j’suis pas homophobe j’ai un copain pédé. Je vais lui présenter aussi comme ça ils pourront faire leurs trucs.
Pot de miel · mai 13, 2022 à 07:55
Pauvre mouton Cadet…
Flavie Flament · mai 13, 2022 à 09:14
Oh la la, vous devriez passer dans TPMP ou Vie ma vie !!!!!!
Alerte enlèvement · mai 14, 2022 à 18:03
Elles sont bien faites ces nouvelles campagnes de sensibilisation aux ravages de l’alcool !
Rita Line · mai 15, 2022 à 18:33
Tu prends encore des nouveaux patients ?