Nous sommes le mercredi 3 avril, il est 09h32. Je donne un tour de clef, opère un demi tour et dégringole les escaliers. Je ne suis pas en avance. Mon train part de la gare Lille Flandre à 10h12. Sachant que je m’y rend en métro… Quoi ?! Non jamais je n’oserais critiquer la société de transports en commun de la MEL. Oh ça non.

Je me faufile dans la rame. Je me cale contre la porte opposée au quai. Tout se déroule sans embûche jusqu’à la porte des postes. Là monte un individu, comment vous dire… Une caricature de beauf : la gourmette dégueulasse au poignet, la chaine avec le crucifix et même la grosse chevalière, peut-être qu’il existe des panoplies. Mais jusqu’ici rien de dramatique. Et même, s’il n’y avait que son gout douteux, sans doute que je ne l’aurais pas remarqué. Mais avant de le voir je l’ai d’abord senti. Le mec a plongé la tête dans une bassine d’eau de Cologne. Une odeur, atroce. J’ai les yeux qui pleurent. Le sol du wagon se met à cloquer. A la moindre étincelle toute l’atmosphère peut s’embraser. Je suis obligé de me couvrir le visage avec mon écharpe pour conserver mes trois poils de nez qui ne sont pas tombés. Cette torture cesse quand je descends à la gare.

Je repère rapidement le numéro de quai où se trouve mon TGV. Le train est constitué de deux rames et forcement je suis dans celle qui est la plus éloignée. Je grimpe dans ma voiture, puis à l’étage où se trouve ma place. Je découvre avec enchantement que mon voisin de siège est un charmant, petit barbu, brun, la trentaine avec des cheveux tout bouclés. Je lui adresse un bonjour avec un grand sourire. Il me répond, mais avec un peu moins d’enthousiasme que moi. Je m’installe, sors mon iPhone et télécharge deux podcasts pour le voyage. Quelques minutes plus tard le train s’ébranle. Mon compagnon de voyage se couvre les oreilles de son casque, se cale contre la fenêtre et ferme les yeux. Bon à priori je peux laisser tomber mes plans de mariage et du leasing pour notre break.

Le train entre en gare de Paris – Nord à 11h18. J’ai donc 80 minutes pour rejoindre la gare Montparnasse. Je suis large. Je parle pas de mon cul mais, du timing. Je me rends au niveau inférieur pour rejoindre le métro. Mais je dois acheter un ticket. Il y a une quinzaine de personnes devant le premier distributeur que je croise. Je continue mon chemin, il y en a d’autres plus loin. Pas plus de chance avec le second et le troisième. Il n’y a « que » 5 personnes devant le dernier. Je commence donc à faire la queue. Ma montre vibre, je viens de recevoir un sms de Ouigo. Je sors mon iPhone et lis le message : Information importante concernant votre Train OUIGO n° 7615 du 03/04/24, au départ de Paris Montparnasse et à destination de Lorient Un incident technique a été détecté sur votre train OUIGO. De ce fait il partira avec un retard important. Ça mes gaillards ça pue du cul. Et pour arranger le tout, ça n’avance pas des masses dans la file. Mais ils foutent quoi ? Faut pas sortir de Saint Cyr pour acheter un ticket de métro.

J’accède au guichet vingt minutes plus tard. Vingt putain de minutes. Les JO ça va être magique. Je choisis l’option ticket en carton. Ensuite les choix proposés correspondent à des titres pour des gares d’île de France. J’appuie sur le bouton « suivant » mais les options ne changent qu’au bout de 10 secondes. 10 secondes c’est long pour une interface tactile. Je trouve enfin ce que je cherchais. On m’invite à payer. Deux appuis brefs sur le bouton de ma montre, je sélectionne l’une de mes trois cartes bancaires (faudra que je vous raconte un jour). J’approche mon poignet du lecteur NFC. Et rien. J’ouvre mon sac, chope une carte physique et l’insère dans le lecteur comme un gars du moyen âge. Je saisis mon code secret, le paiement est validé. Il faut plus d’une minute pour que l’automate me délivre mes deux tickets.

J’arrive devant les panneaux d’informations départs de la gare Montparnasse à 12h03. Mon train est annoncé avec 1h30 de retard. J’essaye de faire abstraction et pars à la recherche d’une place pour déguster mon casse croute. Je m’installe dans un coin attente. Je me suis fait trois petits sandwichs : pain suédois, fromage frais poivré, roquette et coppa. J’en déguste un, un vrai régal. Je m’apprête à attaquer le second mais me ravise. J’ai un billet de train exploité par la SNCF qui annonce déjà 90 minutes de retard, tout est possible. Si ça se trouve je suis là pour deux jours ou plus. Une heure s’est écoulée quand Jean Claude fait une nouvelle annonce : « Aux passagers du train Ouigo 7615 à destination de Quimper initialement prévu à 12h40. Votre train a subi un avarie et il doit être remplacé. Nous rencontrons des difficultés pour acheminer votre nouvelle rame. Un retard d’au moins deux heures cinquante est à prévoir ».

Deux heures cinquante, un avarie. Ils sont cons ou quoi ? Déjà tu dis trois heures et si l’exploit d’arriver dans les temps se produit les gens sont contents et ensuite on dit une avarie. Putain ils devraient laisser une IA faire les annonces. Bon trois heures ça veut dire arriver vers 20h à Lorient. A cette heure les pti vieux ils seront couchés ou au moins en pyjama. Je lance une recherche sur cette fantastique application qu’est SNCF connect. La moindre utilisation de cette merde intergalactique me rend fou. Apres la configuration de 42 paramètres (comme le voyage avec un surf, un vélo ou un parasol de plage) j’obtiens enfin ce que je veux. Enfin presque. Il y a un TGV qui pars dans 28 minutes à destination de Rennes. Peut être que je peux demander à mes parents de venir me chercher. J’appelle et obtiens leur accord. J’achète mon billet et l’ajoute à mon iPhone. Je m’aperçois que la voie est déjà affichée sur le panneau. Je pars donc tranquillement vers le quai n°2. Je traverse la totalité de la gare. Je tombe sur un attroupement. Je comprends que ce sont les voyageurs de mon train aux 170 minutes de retard. En me frayant un chemin je me retrouve face à un gaillard Ouigo libre. Je lui demande : Je devais prendre le train à destination de Quimper. On est bien d’accord que si j’annule le voyage d’aujourd’hui ça ne va pas avoir de conséquences sur la partie retour du billet ? « Non non pas de soucis vous pouvez annuler votre billet gratuitement ». Et là il me montre du doigt l’option d’annulation sur mon iPhone. Et là il ajoute « Ah mais c’est un aller retour. » Donc exactement la question que je viens de lui poser. Il se pourrait qu’un levage d’yeux ait été effectué à ce moment précis. Comme il n’y a pas eu de témoins, je vous laisse seul juge. « Je vais demander à un collègue ». – Non ne vous embêtez pas, je vais me débrouiller.

Je jette un oeil au premier wagon, il porte le numéro 1. Forcement je suis voiture quinze à 700 m. Heureusement que j’ai pas pris ma malle Louis Vuitton et mon piano à queue. Je gravis les trois marches et entre dans le wagon. Je cherche ma place. Je suis situé juste devant un espace bagage, pratique. Je sors mon Mac de mon sac à dos et le pose sur mon siège au moment où je suis rejoint par Mauricette. « Vous êtes place 56 ? » – Oui. « Et bien je serais votre voisine pour le trajet ». Bon en vrai, elle a l’air sympathique. Je lui donne la soixantaine, elle semble dynamique, un brin aventurière. On s’installe. J’ouvre X pour chercher des réponses de Ouigo à des tweetos qui veulent annuler des billets. Apres quelques scrolls, je trouve ce que je cherchais. Je lance donc l’app Ouigo et procède à l’annulation de mon billet Paris – Lorient. Je me cale dans mon siège et prend le temps de faire le point. Aller dans quelques heures t’es tranquille en Bretagne. Je jette un coup d’oeil à ma voisine. Elle aussi est sur son tel un billet imprimé de Ouigo dans la main. – Vous aussi vous deviez prendre le train de Quimper ? « Oui quel bordel. Je suis à la gare depuis 9h30. J’ai atterri à Orly ce matin après 10 heures d’avion. Je la connais par coeur leur gare ». – Vous avez pas de bol, c’est pas la plus belle. « Et après quand je râle, on m’ignore. Franchement j’en ai marre ». Elle me fait marrer on dirait moi. On papote encore un peu. Quand le train s’élance, elle se lève. « Je vais m’installer devant je vais piquer un pti roupillon ». Le wagon n’est qu’à moitié plein.

Après le dernier tunnel parisien, une autre personne change de place. Elle s’installe au même niveau que moi mais de l’autre coté du couloir. Elle sort son téléphone et passe un appel. Putain les gens sont des connards. Je me dis que ça ne va pas durer longtemps. Au même moment, le chef de bord fait l’annonce classique en précisant justement qu’il faut passer les appels depuis les plateformes situées entre les voitures. Au bout de 20-25 minutes d’appel, Josiane bascule en haut parleur. Adieu toute retenue. J’essaye de capter son regard pour lui faire comprendre mais pas moyen. Donc je l’interpelle : – Madame. Madame. Elle capte rien cette conne. Je finis par lui toucher le bras. Elle se retourne. – Vos appels il faut les passer entre les wagons. Elle me regarde, fait un geste d’excuse et se retourne. WTF. Elle enlève le haut parleur, mais continue son appel. A priori elle ne parle pas français mais ça n’empêche qu’il y a des pictogrammes. Et puis ça se fait pas. Cinq minutes après un contrôleur passe et la chope en train (bah oui forcement on est dans un TGV, trop drôle) de passer son coup de tel. Il l’interrompt et lui demande de passer son appel sur la plateforme. Elle continue. Il insiste. Elle baisse deux secondes son tel. Lui semble convaincu, il continue son chemin. Elle remet aussitôt son smartphone à l’oreille. GENIAL.

Quand Francois le chef de bord annonce que nous arriverons en gare de Rennes dans quelques minutes, Josiane est toujours au tel. J’ai hâte de descendre. Personne ne m’attend sur le quai car mes parents m’ont demandé de les rejoindre un peu à l’écart. L’antique cartographie incluse dans le GPS de leur caisse n’est plus en capacité de les guider dans le quartier de la gare qui a été remanié récemment. Je quitte donc seul le quai. J’ai repéré le lieu de notre rendez vous à l’avance, je me dirige donc sans instructions de mon iPhone. Cependant à l’approche d’une cité HLM je suis pris dans un doute. Est-ce que mes parents m’auraient sciemment dirigé dans un coupe-gorge ? Heureusement la faune locale est plus discrète qu’à Lille. Je parviens à destination sans avoir dû me délester de quoique ce soit. Et 90 minutes de route plus tard, j’ai enfin pu m’affaler dans un canapé et voir la face de cul qui me servait de chat.

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5 commentaires

Kélian · avril 6, 2024 à 20:24

Bonjour,

Je suis Kélian, Social Media Manager de SNCF Connect. Nous avons beaucoup apprécié votre avis sur notre application et notamment sur les nombreuses options de voyages disponibles. Seriez vous ok pour que nous mettions en avant votre avis lors de notre prochaine campagne publicitaire à l’occasion des JO ? Merci d’avance de nous confirmer votre accord via https://twitter.com/sncfconnect
Pour plus d’information sur vos droits et notre application du RGPD, veuillez suivre ce lien : https://www.sncf-connect.com/informations-legales/confidentialite/droits

Naboo fan club officiel · avril 6, 2024 à 22:27

Vivement l’épisode 3 !

Hassan CF · avril 7, 2024 à 21:02

Bonjour, un train en retard ? Nous n’en avons pas de traces sur nos archives. Ou le fax n’est pas arrivé ?

Josiane · avril 7, 2024 à 21:16

J’étais en communication avec l’Esprit Saint.

Mndrn · avril 8, 2024 à 12:18

Depuis quand t’as des cartes bancaires

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