La belle au bois dormant

Hier soir, pour la première fois depuis le début de l’année, j’ai dormi avec la fenêtre ouverte. Et franchement c’était pas du luxe. Il fait super chaud ces derniers jours. On sait plus comment s’habiller ma bonne dame. Je ne sais pas si c’est pour cette raison que j’ai si bien dormi.

Mais j’ai super bien dormi.

J’ai fait un rêve merveilleux. J’habitais à nouveau l’appartement que mes parents louaient quand j’étais petit. Et depuis quelques jours il y avait des travaux chez mes voisins de pallier. J’avais croisé plusieurs fois l’artisan qui réalisait le chantier. Son charme ne m’avait pas laissé indifférent. J’avais multiplié les sourires à chacune de nos courtes rencontres. Nous avions échangé quelques banalités, et notamment il m’avait parlé de sa fille.

Nous sommes donc vendredi, (ouais je vous ai planté le décors pour pas que vous soyez largués) je sors de mon appart. Le temps de donner un tour de clef, je me retourne, il est là sur le palier avec son escabeau sur l’épaule. On se salue. Il m’apprend que c’est son dernier jour ici car le chantier est terminé. Je lui souhaite bon courage pour ranger son matériel et me dirige vers l’ascenseur. Il passe devant moi avec son escabeau. Je lui dit de faire attention quand il est descend aux gros globes de verre qui servent d’appliques dans les escaliers et qui dépassent beaucoup.

…

Je rentre après avoir fini mes emplettes. Je sors de l’ascenseur et je tombe nez à nez avec Adam en train de ramasser les morceaux de l’applique qu’il a cassée. C’est pas faute de l’avoir prévenu ! Il m’explique que ce modèle n’est pas standard, qu’il a déjà passé la commande mais qu’elle n’arrivera que dans plusieurs semaines. Même l’ampoule a un culot spécifique, il devrait passer lundi pour l’installer.

Je sais pas pourquoi il me raconte tout ça. Je m’en fous un peu, c’est pas chez moi. Je passe jamais par l’escalier car je prends toujours l’ascenseur parce que je suis une grosse feignasse et surtout que j’habite au cinquième.

Il me demande si je suis chez moi ce week-end parce qu’il a vu un mot d’un voisin qui fête son anniversaire samedi soir. Encore une fois qu’est ce que ça peut bien lui foutre. Et là il me parle de sa fille. « Ah oui au fait j’ai une photo ! » Il cherche dans ses poches, sort ses deux iPhones et cherche la dite photo.

Oh la la j’ai hâte 😒

Il finit par me tendre ses deux téléphones empilés l’un sur l’autre. C’est très con parce que c’est un peu casse gueule et je voudrais pas les faire tomber.

Au même moment un restant de colle pour faux cils de la veille me ferme la paupière. C’est la merde ! J’ai les mains pleines, devant un ouvrier du bâtiment. Faut que ça m’arrive maintenant ! Finalement je m’en sors. Adam lui excise un sourire. Il a pas l’air d’avoir compris ce qui vient de m’arriver.

Je jette un coup d’œil au téléphone : y a une photo plutôt belle, d’une gamine de 6, 7 ans. Blonde comme son père avec un fort air de famille. Je m’entends lui dire « elle est mignonne ». Je lève les yeux, il est devant moi, le visage tout empourpré. Ça me met un peu mal à l’aise. Je décide de lui rendre ses smartphones mais, un par un, parce que c’est tout de même plus facile. Et en soulevant le premier, je découvre que le second est allumé et qu’il affiche une photo d’Adam dans son plus simple appareil. D’abord un peu surpris, je comprends que ce n’est pas un accident. Mais serait il possible que ce bel apollon joue dans la même équipe que moi ?

Et c’est à ce moment là que je me suis réveillé.

Mais ce n’est qu’en écrivant ce récit que j’ai compris plusieurs choses. Si on se croisait régulièrement sur le palier, c’est parce qu’il attendait, en surveillant par le judas, le moment où je sortais. De même, il avait fait exprès de casser la lampe pour être sûr d’avoir une bonne raison de revenir.

J’espère le recroiser cette nuit, j’ai deux trois trucs à lui dire.