Soirée électorale

Il est 18h50, j’arrive devant l’école où j’ai voté quelques heures plus tôt. Quelques personnes attendent appuyées sur la rambarde de la rampe. Car oui c’est un bureau de vote accessible aux personnes à mobilité réduite. Après rien n’est adapté, c’est de la merde. Mais ils peuvent y accéder pour le constater. C’est ça le progrès.

Un rapide coup d’œil à l’intérieur, une quinzaine de personnes attendent dans l’entrée. C’est bien plus que quand je suis passé pour faire mon devoir de citoyen à 13h.

En effet je suis arrivé dans un bureau de vote vide.

Huguette me lance un « Vous votez au bureau 506 ? » en guise de bonjour.

Euhhh

Cédric tente une approche plus souple « Vous votez ici d’habitude ? »

« Oui, mais je vais vérifier »

Huguette lâche pas l’affaire « Oui parce qu’ils ont fait des erreurs »

J’ouvre ma carte d’électeur. Bureau de vote : 506. Oufff je ne serais pas jeté aux crocodiles.

Cédric m’explique que je dois me désinfecter les mains prendre mon enveloppe, les bulletins et aller dans les isoloirs sans toucher le rideau.

Je m’exécute.

Je me présente devant l’urne, glisse ma petite enveloppe dans la fente (moment fefuel) et signe le registre.

Je demande comment ça se passe pour le dépouillement de ce soir. Si y a encore besoin de monde. Le visages des deux assesseurs s’illuminent. « Vous voulez participer ? »

« Oui. Je vous laisse ma carte d’électeur et je reviens pour 19h ? »

« Oui c’est ça parfait. »

J’ai passé l’après midi à frotter un lavabo et un évier, je peux vous dire que je suis revenu avec les mains full propres.

19h00 le bureau ferme officiellement ses portes. Je repère un jeune homme la trentaine, à qui je ferais pas payer la chambre… Pendant que je matte, les assesseurs mettent en place les tables pour le dépouillement. Les quinze personnes à l’intérieur discutent. Je pensais échapper au coronavirus mais au lieu de parler politique ça parle masques et bagarres dans les supermarchés. J’en ai marre. En plus ils sont entassés les uns sur les autres. Ils ont rien pigé. Abdel sort de la salle avec une boîte de gants. « Je vous laisse prendre une paire si vous le souhaitez »

Nous ne sommes que deux à décliner. Un gars mince la soixantaine. Il me plaît bien parce qu’il a attendu comme moi a l’extérieur. Huguette sort à son tour avec à la main deux cartes d’électeur. M Valmy et M Vassort on a pas besoin de vous finalement.

Whattttt ?!?

Je récupère ma carte, ultra déçu. Je rentre chez moi.

Arrivé au bout de la rampe on m’interpelle.

« On s’est trompé, il manque une table. On a besoin de vous. »

Les boulets. Même pas foutu de compter jusqu’à 16.

Je rentre accompagné du vieux que j’aime bien, Claude Valmy. J’ai le secret espoir de me retrouver à la table du beau gosse. Je le repère mais malheureusement il est déjà assis à une table complète. Huguette a dû faire exprès.

Je me retrouve avec Claude, un quarantenaire pas degeulasse et un mec qu’on dirait tout droit sorti d’une unité de soins psychiatriques. Adoptant la technique d’un expert en malaise social, je souris. Les rôles sont distribués : j’ouvre les enveloppes, le quarantenaire annonce le nom du candidat, les deux autres bâtonnent.

On reçoit une multitudes de consignes de la part des assesseurs. La meilleure : « celui qui annonce ne doit pas postillonner » (j’ai fait un roulement d’yeux qui aurait pu rentrer dans les annales).

On commence. Ça avance plutôt bien.

Y a pas mal de bulletins pour les verts ça fait plaisir. Trois noms reviennent celui de Martine, celui du candidat écolo et celui de la candidate LREM.

La dernière enveloppe est vidée de son contenu. C’est l’heure des comptes.

Et là je vois Georges qui attend que M Valmy est fini de compter pour recopier son résultat. Oula on a hérité d’un champion. Donc j’explique que le but du jeu c’est de vérifier la concordance des totaux et pas de recopier. Il m’a regardé avec ses yeux de chien battu, je l’avais perdu à « concordance » donc j’ai recommencé. Chacun fait le calcul de son côté et après on compare.

Cette fois ça a marché.

Pas une erreur !

Victoire.

Au final Martine arrive en tête, suivit des verts. Mais le plus beau score c’est celui du FN, ridiculement bas. Ça fait tellement plaisir.