Nous sommes le 15 décembre, il est 12h25. J’ai donc 5 minutes d’avance sur mon rendez vous. En pleine journée ? Oui c’est le seul créneau que ma proposé la nutritionniste la dernière fois qu’on s’est vu.
Faut que je vous raconte cette première consultation. Après avoir vu mon généraliste et un spécialiste, le consensus était que mon poids était un danger pour ma santé. Le conseil : perdre au plus tôt 5 kilos, minimum.
Et comme d’habitude, le site s’appelle pas demi mesure pour rien, j’ai vu les choses en grand. Retour sur une application testée au printemps, achat d’un pèse personne connecté, résiliation de mon abonnement transports en commun pour tout faire à pieds ou à vélo et rendez vous auprès d’un nutritionniste. Et c’est là que ça devient intéressant.
Déjà la recherche d’un médecin nutritionniste fut courte. Y en a deux, sur toute la MEL. Des diététiciens y en a des brouettes. Quand il s’agit de s’auto proclamer connaisseur en santé nutritionnelle, ça se bouscule au portillon. Qui n’en veut du régime à base de soupe au chou, des forfaits 9 séances + 1 offert, j’en passe et des meilleurs…. Mais pour revenir à nos deux médecins ayant obtenus un vrai diplôme reconnu pas seulement par Doctissimo. L’une pratique des séances de « truc machin » et précise qu’elle a recours à l’homéopathie. Vous vous doutez bien que l’idée d’aller voir un médecin qui prescrit du sucre pour perdre du poids me parait assez peu pertinente. Mon choix s’oriente donc vers le second praticien malgré son nom vieille France et son adresse dans le vieux Lille (préjugés bonjour).
J’ai pris rendez vous pour cette consultation via l’application Doctolib. A priori vu le nombre d’informations demandées y a juste la taille du bonnet des soutifs de ma soeur qui demeura un mystère pour ce médecin. Et je me suis donc rendu un lundi en début de soirée, non loin de la rue royale, au cabinet de cette nutritionniste. Il faisait déjà nuit, il pleuvait, c’était sinistre.
Je sonne à l’interphone. « Oui ? » – C’est M V…. j’ai rendez vous à 17h. « Oui, fermez bien la porte derrière vous. » Déjà ça c’était chelou. Je rentre dans un vieil hôtel particulier défraichi. La moquette rouge maintenue par des barres protège un grand escalier en bois qui permet d’accéder à la salle d’attente indiquée par un petit panneau. Les peintures et la décoration sont datées. Ce décor fatigué me rend mal à l’aise. Je rentre dans la pièce qui sert de salle d’attente. D’un coté, gisent deux fauteuils hors d’âge qui ont perdu le rembourrage de leurs assises, de l’autre deux chaises aux dossiers abimés. Pourvu que je me retrouve pas par terre en m’asseyant dessus. Une fois posé sur mon antique siège, je contemple la pièce. Le papier peint grisonne à certains endroits. Aux murs, de vielles affiches pour des traitements tout juste sortis des usines en 1980. Au sol, un tapis râpé dont on ne devine même plus les motifs recouvre une moquette d’une couleur bien de son époque. Un miroir fendu trône au dessus d’une commode où est posée une petite lampe de chevet. La lumière de l’ampoule peine à traverser l’abat-jour kitsch, donnant une ambiance de veillée mortuaire à cet endroit. Je suis parcouru d’un frisson. Est-ce que je suis vraiment obligé de m’infliger ça ?
Finalement, j’entend des pas. Une personne en blouse blanche apparait. Pas un bonsoir, mais comme je suis seul, c’est forcement pour moi. « Allez y ». Bon bah j’y vais. Je suis un bon gamin, je fais ce qu’on me dit. Je baisse la tête pour passer un immense chambranle en pierre, digne d’un château fort. La pièce immense est légèrement en contrebas, il faut descendre quelques marches. Le cabinet est sombre. Je m’assois devant le bureau qui semble un peu perdu dans ce grand volume. Il fait un peu froid. Hormis le MacBook posé sur le sous main, tout semble avoir au minimum 20 ans. Dans une antichambre attenante, je distingue la forme d’une table d’osculation. En fait, seules deux petites lampes de bureau éclairent cet immense volume. On y voit rien.
Le médecin est une femme d’une cinquantaine d’années. Elle commence son interrogatoire par me demander mon nom. Elle comprend pas qu’il y a un « t » à la fin de mon nom, on est mal barré. Surtout que derrière y a mon prénom avec un « h ». Adresse, téléphone, tout y passe. On arrive à l’adresse mail. Ce n’est que mon prénom et mon nom séparés par un point @gmail.com. On a guère fait plus simple. Et pourtant ce fût toute une aventure… En plus, elle me casse les couilles, toutes ces informations elle peut y accéder via le site Doctolib.
Finalement, on parle des raisons qui m’ont poussé à consulter. Elle récupère une feuille sur une pile. Elle m’explique qu’elle commence toujours par prescrire des analyses sanguines. – J’en ai fait fin septembre, j’ai les résultats avec moi je peux vous les montrer. Elle parcourt le bilan sanguin. Spoiler : y a qu’un truc qu’est merdique c’est mon taux de triglycérides. 3 x plus élevé que la valeur haute de la fourchette. Lille, j’aime ton architecture, l’ambiance qui règne dans tes rues, mais surtout j’aime la bière qui coule à flots dans tes 800 débits de boisson. Elle raye de la feuille, qui est en fait une ordonnance pré-remplie, ce qui a déjà été fait. J’indique que le taux étant élevé il serait interessant de voir si il a bougé depuis. Elle acquiesce. Et me tend la feuille, que je plie et range soigneusement dans mon carnet de santé (ouais j’ai encore mon carnet de santé, je suis méticuleux comme garçon). Elle m’indique que pour la prochaine fois il faut que je note tout ce que je mange et bois sur quelques jours. Je lui précise que j’effectue déjà un suivi de ce que je mange grâce à une appli. « Pas de problème, ça sera plus facile pour vous. Ça fera 60€. »
« Fermez bien la porte derrière vous en partant ». Elle a un problème psychologique avec sa porte. Je sors de là un peu hagard. Je viens de larguer 60 € pour qu’on me prenne mes coordonnées et qu’on me file une prise de sang à faire. Putain j’ai mal au cul et pas comme j’aime (pour citer un fidèle lecteur). J’ai aucune idée de ce que je mange actuellement est adapté ou pas.
Comme je commence tous les jours le boulot à 7h30, je décide que je ferai la prise de sang le samedi suivant. Il faut être à jeun de minimum 12 heures et je mange pas comme une poule à 6h le soir. Je me pointe donc au laboratoire à 11h25. Je poireaute quelques minutes, avant que Tiffany se décide à s’occuper de moi. Je lui tend l’ordonnance. Elle la parcourt et me lance « on peut pas faire toutes ces analyses aujourd’hui ». Comme je ne maitrise pas entièrement la poker face, un certain étonnement a dû se dessiner sur mon visage (faudra que je travaille un jour là dessus). Tiffany se sent donc obliger de préciser : « le laboratoire ferme à midi et on arrête les prises de sang à 11h30 ». Un coup d’oeil à ma montre, il est précisément 11h30. Une envie subite d’étudier la résistance de la boite crânienne de Tiffany m’envahit. Je récupère mon ordonnance et quitte le bâtiment en laissant un « bonne journée » qui signifiait plutôt le contraire.
Le lundi suivant, je file pendant ma pause déjeuner au laboratoire pour retenter la prise de sang. Cette fois-ci, c’est la bonne. On m’indique les résultats seront envoyés dans l’après-midi midi. Effectivement vers 15h je reçois un mail. J’ai hâte de découvrir si 5 semaines sans une goutte d’alcool ont eu un réel impact sur mon taux de triglycérides. Sauf que j’ai beau chercher pas de trace de l’examen. J’appelle le labo. – Je ne sais pas si les résultats sont partiels ou si l’examen a été oublié, mais le dosage des triglycérides n’apparait pas. « Je vais vérifier. Non, sur l’ordonnance le dosage a été barré donc nous ne l’avons pas fait ».
Putain même ça, elle a pas réussi à le faire correctement. Déjà que j’étais pas super convaincu, là il semble peu probable que le prochain rendez vous se passe bien.
Ce qui nous ramène à aujourd’hui. 12h25. Je sonne. « Fermez bien la porte ». Je rentre dans le bâtiment. De jour et par grand soleil, c’est moins glauque. Mais tous les défauts ressortent plus. Et pour ne pas louper une miette du futur échange et satisfaire mes lecteurs exigeants, je lance un enregistrement avec le dictaphone de mon iPhone.
Je vais m’assoir. « M… ». Etant donné que je suis seul, que j’avais pris rendez vous. Je n’ai pas jugé bon d’acquiescer. Mais visiblement c’était bien une question : « Votre prénom c’est M… c’est bien ça ? » – Oui. Elle reprend tous les éléments de la dernière fois à voix haute. Putain ça va être long. « Il y avait des analyses qui avaient déjà été faites et les triglycérides étaient élevées. » – Justement on avait évoqué la possibilité de le refaire, sauf que vous l’avez barré sur l’ordonnance et donc l’analyse n’a pas été faite. « Justement parce que ça venait d’être fait. » » Ça a été fait quand ? » – Fin septembre. On en parlé ensemble et vous m’avez dit que c’était une bonne idée.
C’est bien on commence cash pistache par mettre le doigt sur son incompétence. « Mais quand les examens viennent d’être fait, je les redemande pas systématiquement. Parce que ça change pas comme ça en 15 jours, vous voyez ? « . – Là ça valait peut être le coup parce que le taux était élevé. « Elevé… je vois des taux à 10 vous êtes à 3 ». La bonne technique de y a pire ailleurs…
» Quand on a un problème de cholestérol (ce qui n’est absolument pas mon cas) et de triglycérides, j’attend que le patient est perdu pour redemander un contrôle. Parce que c’est là où l’on verra une différence significative. Si vous m’aviez dit par exemple j’ai arrêté complètement l’alcool et le sucre et là pendant un mois j’ai perdu 5 kilos, je vous aurez dit ça vaut le coup de le faire. » – Sauf qu’on en a parlé. Ça fait 6 semaines que j’ai complètement arrêté l’alcool et j’ai perdu 11 kilos. « Ah bah d’accord, bon écoutez. Si ça peut vous rassurez ».
Genre je suis le chiant. Elle fait ça pour me faire plaisir et pour que je la laisse tranquille. On est pile dans ce qu’elle vient de décrire. Elle a enchainé en noyant le truc. Le reste de vos résultats sont satisfaisants.
Elle m’a pesé sur une balance qui a sorti un ticket. J’avais l’impression d’être un morceau de cochon chez Auchan. Bon je vous passe les détails, au bout d’un quart d’heure on attaqué l’inspection de ce que j’avais mangé pendant une semaine.
Elle m’a fait un speech sur le petit déjeuner qui est le repas le plus important de la journée. « Le pain n’est pas essentiel à la vie, et comme tous les personnes en surpoids ont un problème avec le pain, les pâtes et les pommes de terre, je demande de faire un effort » La meuf elle a rien regardé de mes habitudes alimentaires. Je mange rarement du pain et j’aime pas les pommes de terre. Continuons.
« Huile tournesol, je préfère privilégier l’huile d’olive, ou l’huile de colza. » Dans mon fort intérieur je me suis dit : Ouais les cuisses de grenouilles persil ail à l’huile d’olive. Fais tes recommandations je m’occupe de la cuisine. Et l’huile de colza ne convient pas pour la cuisson. Mais c’est pas grave. Continuons.
Elle m’a refait un speech sur le surimi. Que malgré la légende c’était pas si mal que ça. Hé Monique j’en mange t’as pas besoin de me convaincre. Même Yuka est d’accord avec moi. Continuons
Elle a relevé que j’avais mangé des boudoirs. « Faut éviter » Y en avait 3 dans un dessert maison qui contenait par ailleurs 100 g de fruits rouges. Roulage d’yeux. Continuons
Je vais pas tous vous les faire mais y en a eu des conneries. Ma préférée : elle regarde ma liste de légumes et en tout quiétude me balance « Vous pouvez ajouter le concombre ou la courgette. » – Enfin ma liste ce sont principalement des légumes de saison. Elle m’a regardé un peu ahurie. Epique.
Bon j’ai relargué 60 €. Elle m’a bloqué un rendez vous dans trois semaines et m’a encouragé à en prendre plusieurs d’avance toutes les trois semaines. Compte dessus, et bois de l’eau fraiche.
Parce qu’au final et pour conclure j’ai dépensé 120 € pour m’apercevoir que je faisais tout bien hormis le petit dej le matin. Et son suivi je peux le faire chez moi avec ma balance connectée. Donc c’est vite vu. Bye bye Monique.
7 commentaires
Pas les sœurs · décembre 15, 2020 à 23:01
Faut que ça cesse !
La planète · décembre 15, 2020 à 23:04
Tu aurais pu lui laisser l’adresse de ton blog, pour qu’elle apprenne à s’adapter à son public !
Tea tree et menthe poivrée · décembre 15, 2020 à 23:06
Jaurais pu te faire une consultation moins chère ! Une séance de vélo par semaine, du canard et pas de cheesecake. Parce que c’est pas bon !
Patrick Bouet · décembre 15, 2020 à 23:19
Bonjour,
Pouvez vous svp nous contacter au plus vite pour un témoignage sur les pratiques de ce médecin ?
Merci d’avance.
Cordialement.
Michaël · décembre 15, 2020 à 23:22
Bonsoir
Georges · décembre 15, 2020 à 23:21
Ah je vous ai imaginé roulant des yeux !
Je sais que vous êtes une sommité mondiale sur le sujet !
Christine Taubira · décembre 15, 2020 à 23:38
Ah mon cher ami, quel article magnifique ! J’ai voyagé grâce à la puissance de vos mots, merci !
Je vais parler de vous à France Inter pour une chronique !